The Mask : Derrière les sourires — ou l’histoire de l’incroyable Jim Carrey
26/06/2025
C'est un film qu'on a tous regardé à un moment donné, partiellement fiévreux, un dimanche sur TF1. The Mask (1994) : un individu maladroit, un masque ensorcelé, une banane néon, et une Cameron Diaz vêtue de rouge. Cependant, au-delà des grimaces et des éclats de rire, il existe autre chose. Un mécanisme brillant. Un acteur polyvalent. Et sans doute la représentation la plus impressionnante du refoulé moderne. Un regard sur le génie de Jim Carrey, le risque pris par un studio, une performance à la limite… et un film qui exprime beaucoup sur notre temps, nos névroses et nos facettes intérieures.
Jim Carrey : l'artiste lucide au sourire triste
Avant The Mask, Jim Carrey était un canadien atypique, un ancien imitateur pauvre, doté d'un visage élastique et d'une fixation : détruire la réalité. Il évolue à travers le stand-up, la télévision, et finalement ce personnage qui va le propulser… et presque l'engloutir. Sous ses mimiques, se cache une perspicacité aiguë sur la célébrité, le néant existentiel et la schizophrénie de notre temps. Il ne se contente pas de jouer le rôle de The Mask, il devient ce personnage : Un homme trop bon, nié, effacé... qui, avec un masque, se transforme en tout ce que le monde apprécie : puissant, sexy, débridé, invincible.
En d'autres termes : un individu qui correspond au fantasme du capitalisme. Jim est l'unique artiste capable de représenter l'hystérie contemporaine avec tant d'élégance. Et ça donne le vertige.
The Mask : analyse psychanalytique d'un cartoon sociopathe
Derrière ses apparences de comédie légère, The Mask est une fable psychanalytique d'une violence extrême. Stanley Ipkiss représente l'exemple parfait du bon gars frustré, humilié, qui passe inaperçu. Et qu'en est-il du masque ? C'est le Ça de Freud amplifié : désirs incontrôlés, gratification instantanée, compensation excessive du traumatisme. Le film affirme ceci : Si tu souhaites être remarqué, apprécié, respecté… Tu dois devenir une représentation continue. Et nous, les observateurs ? On fait la fête. Parce qu'on rêve tous de cette transformation. On aspire à être « l'autre version de nous », celle qui dit non, qui danse, qui charme, qui transgresse les conventions.
The Mask reflète de manière déformée notre société axée sur la performance, en ajoutant une dimension de cartoon illusionniste.
Un film à la mise en jeu audacieuse, une création à la limite du raisonnable
Le studio New Line mise sur Jim Carrey avant même la sortie d'Ace Ventura. Le budget est limité, la présentation risquée. Malgré tout : un coup de maître visuel (grâce aux effets spéciaux avant-gardistes de l'époque), une direction artistique rétro-glam, et une bande-son explosive. Et avant tout : une synergie incroyable entre Carrey et Diaz, qui se déploie avec force à l'écran. C'est également l'un des premiers rôles où l'animation et le jeu d'acteur se mêlent de cette manière. Jim Carrey se transforme en un personnage animé à la manière de Tex Avery. Les studios parient sur l'impossible. Ils reçoivent un objet volant non identifié de culte.
Humour noir et rire nerveux : le masque en tant que moyen de défense
Ce qui est formidable avec The Mask, c'est que l'humour ne masque pas l'angoisse, il la met en évidence. Il s'agit d'un rire nerveux. Un rire dissimulant une détresse silencieuse. Et Jim Carrey en est conscient. Il le confie personnellement lors de diverses interviews :
« Je fais rire parce que j'ai peur. »
Et cela se remarque. Le personnage dissimule tout : sa souffrance, son isolement, son envie. Il se transforme en ce qu'on attend de lui.
Si ce n'était pas une comédie, ce serait un drame portant sur la dissociation.
Ce qu'il nous reste aujourd'hui : une grimace éternelle
The Mask, c'est un totem pop. Culte, mais dérangeant quand on gratte. Il a marqué une génération.
Mais surtout, il a révélé Jim Carrey. L'homme qui alternera ensuite films comiques (Dumb and Dumber), chefs-d'œuvre métaphysiques (The Truman Show, Eternal Sunshine), et retraites spirituelles en mode ermite illuminé.
Et aujourd'hui ? Jim ne veut plus jouer le jeu. Il parle de vide, de Dieu, d'ego, de mort. Il peint des toiles politiques. Il vit dans la montagne. Il a tout compris, ou il a tout quitté.
Peut-être les deux.
Une fois l'article terminé, remettez la bande originale de The Mask. Laissez-vous happer par ses cuivres, son swing, ce jazz fiévreux qui vous donne envie de danser comme Stanley… ou de disparaître derrière un rideau rouge.