Raphaël Quenard ou comment sortir de sa zone de confort : être un ovni parmi les “gens normaux”

25/05/2025
Il existe des visages dont on se souvient, des voix qui résonnent, des regards qui captivent. Raphaël Quenard incarne tout cela à la fois. Je l'ai d'abord aperçu comme une apparition dans le film Novembre, puis je l'ai retrouvé, mémorable, dans L'Amour ouf en tant qu'ami d'enfance de Clotaire — avec cet accent atypique, immédiatement identifiable, et cette intensité qui semble venir d'un autre univers. Il a également joué le rôle d'un pseudo-entrepreneur excentrique dans Cash, d'un jeune homme maladroit mais lumineux dans Fragile, d'un animal blessé mais fidèle dans Chien de la casse, et de l'inoubliable Yannick, celui qui vient "mettre le bazar" dans une pièce de théâtre, avec une humanité touchante.


Pierrot Tchich, un personnage qui dérange et fascine

Des yeux qui transpercent, un sourire qui vous prend par surprise, une chaleur désinvolte qui crée l'attachement. Je l'ai rencontré à la Librairie de Paris, timidement, un peu stressée à l'idée de lui offrir l'un de mes dessins. Et j'ai eu la chance de faire partie des privilegié-es à faire signer son premier livre Clamser à Tataouine, le vendredi 16 mai. Une parenthèse que je garde bien précieusement.

Raphaël Quenard nous embarque dans le monde de Pierrot Tchich, un personnage brut et sociopathe, déviant — une anomalie parmi les « gens normaux ». Ce jeune homme, qui vient de Grenoble, expose ses vulnérabilités et inclinations sombres avec une transparence désarmante. Il y a des parties qui sont troublantes, mais paradoxalement, elles ne dévient pas de la trame de l'histoire, même pour une personne comme moi qui a parfois du mal à se concentrer. Ce livre mérite vraiment d'être lu. Certaines références sont très amusantes et la conclusion est tellement imprévisible qu'elle s'avère brillante.


Une fascination presque familiale pour l'étrange

En tant que préadolescente, je dévorais l'émission « Faites entrer l'accusé », tout comme les enquêtes criminelles diffusées sur W9. Ces histoires qui allient horreur et humanité ont su me captiver. Ma grand-mère maternelle était obsédée par le magazine « Le Nouveau Détective », pendant que ma grand-mère paternelle suivait les investigations sur la TNT jusqu'à bien après minuit, avant de nous en faire une brève synthèse. Cette obsession pour l'étrange semble avoir une portée universelle : notre soif de connaissance concernant les aspects obscurs nous incite à découvrir ce qui est troublant, ce qui nous touche, ce qui suscite nos interrogations.


Affectée parfois par les nombreux combats liés à mon genre, je considère cela comme un appel à dénoncer les effets de la violence dans différentes strates de la société. Dans un monde où l'on aime établir des comparaisons entre les souffrances et les luttes, parfois en opposant les uns aux autres, Quenard propose ici une approche nuancée et un ton volontairement franc pour éveiller les consciences d'une société qui, parfois, somnole sous les gestes de glissement d'écrans et la manipulation de certains. Ceux-ci, plutôt que de favoriser le débat, cherchent à tout prix à nous faire choisir un camp, au risque de nous égarer. 


Trouver sa propre voie : ovni et fière de l'être

Entre les leçons parfois rudes des histoires vraies, et mon propre cheminement en tant que femme qui s'est toujours sentie hors du cadre, j'ai compris un truc : la vraie force, c'est d'assumer sa différence. Quitte à passer pour le fruit à part, la "chaussette dépareillée" du groupe, autant le faire avec style et humour. Ce livre est une belle invitation à oser sortir de sa zone de confort, à s'éloigner des cases trop étroites, et à célébrer ce qui fait de nous des ovnis parmi la foule.
Merci Raph, tu régales.


Référence :
Quenard, Raphaël. Clamser à Tataouine. Flammarion, 2025.



Par : Anne-Sophie MESLEM

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