“L’Histoire sans fin : VHS, rêves et bibliothèques – moi aussi, j’ai voulu sauver Fantasia”
14/06/2025
Avant l'ère de la HD et de la 4K, il existait la VHS. Cet objet en plastique doté de deux propriétés enchantées : produire un son crépitant semblable à celui d'un feu de bois et te maintenir sur le divan durant 90 minutes avec un générique qui rivalise largement avec le film. Il n'était pas possible d'appuyer sur pause d'un simple clic sans courir le risque de détruire la bande (ouais, c'était vraiment le niveau boss du stress). Mais l'histoire sans fin ? C'était LE sésame pour pénétrer Fantasia, cet univers où les rêves deviennent réalité et où tu as la possibilité de chevaucher un dragon-nuage comme s'il s'agissait de ta promenade dominicale.
Les bibliothèques sont des trésors bien gardés, où les rêves attendent d'être découverts
Les bibliothèques ne se résument pas uniquement à des structures contenant des tomes couverts de poussière (bon, parfois, c'est le cas). C'est là que l'imagination cherche refuge lorsque le monde réel part en vrille. Personne ne parle de l'Histoire sans fin aussi bien que lui : la bibliothèque magique représente le lien entre le concret et l'infini. Je pense à Italo Calvino et son ouvrage « Les villes invisibles », où chaque cité devient une métaphore, un appel à la rêverie et à l'invention de nouveaux univers. À l'instar de Fantasia, ces cités nous rappellent que les récits sont les véritables clefs pour déverrouiller les portes de l'infini.
Tu ouvres la porte, tu prends un livre, et hop : c'est comme si tu déclenchais le « play » dans ton esprit. De plus, cela donne l'illusion à ta mère que tu fais « quelque chose d'utile » (indice : tu es en train de sauver Fantasia, c'est tout de même un accomplissement).
Bastien : le rêveur isolé confronté à la dureté de la réalité
Avant de faire l'immersion dans le monde enchanteur de Fantasia, L'Histoire sans fin débute avec la triste réalité de Bastien, un jeune garçon introverti, rêveur, amoureux des livres… et victime de harcèlement. Dès les premières séquences, on assiste à sa poursuite dans la rue par trois jeunes hommes agressifs, des représentations exagérées de la stupidité et de la malveillance gratuite. Ces « trois imbéciles » symbolisent l'oppression de la réalité : celle qui étouffe l'imaginaire, qui minimise la différence, qui maltraite la sensibilité.
Il est frappant de constater le contraste entre la monotonie du quotidien et l'enchantement du monde livresque qu'il explore en se réfugiant dans une librairie. Malgré lui, Bastien se transforme en lecteur-héros, celui qui permettra la régénération de l'univers de Fantasia. Bastien est incarné par Barret Oliver, un jeune comédien américain à la sensibilité touchante, qui réussit avec précision à dépeindre ce personnage d'enfant affecté, en marge, mais d'une grande bravoure. Sa physionomie sérieuse, ses yeux vastes et obscurs débordant de tristesse et d'espoir ont laissé une empreinte indélébile sur une génération entière de spectateurs. Barret Oliver n'a pas fait long feu en tant qu'acteur : s'étant reconverti en artiste et photographe axé sur les techniques anciennes, il a quitté Hollywood, tout aussi énigmatique que la disparition de Fantasia quand plus personne n'accorde foi aux rêves.
Atreyu : le protagoniste qui file plus vite que sa propre carrière
Atreyu représente LE personnage héroïque que tout le monde a adoré : un guerrier juvénile avec les caractéristiques d'un enfant et une apparence tirée des peuples autochtones d'Amérique, venant de l'Océan Herbeux de Fantasia.
Quand l'avenir de Fantasia est en péril, Atreyu se porte vaillamment pour une tâche essentielle. C'est Cairon, le dévoué serviteur de l'Impératrice Enfant, qui reçoit sa résolution et lui attitre cette mission. Sur son cheval loyal et avec l'Auryn pendu à son cou, il s'aventure dans ce monde enchanteur en danger face à une puissance sombre.
Pourquoi Noah Hathaway a-t-il été oublié ? Car les héros ne portent pas nécessairement une couronne. Dans le monde du cinéma, le succès n'est pas systématiquement évalué en fonction du talent ou de la bravoure — parfois, il s'agit simplement d'une question de synchronisation, de chance et d'un bon représentant (ou d'une cassette vidéo bloquée dans un lecteur). Noah Hathaway a connu la magie d'un rôle majeur, mais sans le breuvage secret qui fait des enfants stars des légendes. Peut-être que c'est précisément cela qui lui donne son attrait : un héros modeste, véritable, qui ne recherche pas la gloire mais qui reste inscrit dans notre mémoire collective.
Moi, j'ai voulu sauver Fantasia (et toi aussi)
Non, ce n'est pas le « Fantasia » de Disney — celui avec les balais qui dansent et les créatures en tutu. Celui-ci n'a jamais eu besoin de moi.
Moi, je parlais du seul, du vrai. C'est celui de L'Histoire sans fin. Le vaste royaume, délicat et progressivement dévoré par le Néant.
J'étais une enfant, mais une enfant profondément engagée dans sa tâche. On devait secourir la princesse Aria — c'est ainsi que je la nommais, bien qu'elle fût connue sous le nom de l'impératrice. Son visage dégageait une sérénité trop mature pour son âge, comme si elle était consciente que les adultes allaient déjà tout compromettre.
Tami Stronach, l'actrice, n'a quasiment plus pris de rôles par la suite. Mais selon moi, elle avait déjà tout exprimé.
J'ai tenté d'apporter mon aide avec Bastien. J'ai lu à haute voix, j'ai fermé les yeux avec force, j'ai pensé qu'aimer un monde était suffisant pour le garder en vie.
Et il se pourrait que ce soit en partie vrai. La preuve en est que j'en parle encore.
L'empreinte du rêve
Et quand tout semble désespéré, lorsque les empires s'écroulent et que l'espoir faiblit, il arrive parfois qu'un simple nom chuchoté dans le souffle du vent, d'un enfant qui garde encore la foi, et d'une mélodie qui s'épanouit suffisent.
La bande sonore de L'Histoire sans fin, réalisée par Klaus Doldinger, comprenant l'inoubliable titre « The NeverEnding Story » écrit par Giorgio Moroder et chanté par Limahl, persiste à vibrer dans les âmes comme une invitation à la fascination. Chaque note représente un battement d'ailes de Falkor, un reflet de bravoure, un lien intangible tissé entre le jeune lecteur et l'univers qu'il crée. Elle ne prend pas d'âge. Elle survole le temps, telle une promesse adressée à ceux qui choisissent de ne pas grandir sans rêver.
Par : Anne-Sophie MESLEM