Jeanne Baron, ou l’anti-poupée télécommandée du PAF : pourquoi est-elle si outrageusement sous-cotée ?
29/05/2025
Elle est éclatante, percutante, captivante, possédant un quotient intellectuel de trois chiffres (au minimum) et un curriculum vitae qui mettrait en déroute une pléthore de commentateurs télévisuels en sueur… Cependant, personne n'a encore eu l'idée de la programmer en horaire de grande écoute sur TF1. Énigme ? Non : logique patriarcale des médias. Entrez dans le monde de Jeanne Baron. Une planète éloignée où l'expertise ne se contente pas de briller, mais scintille. Là où le verbe prévaut sur la confrontation, et où le contenu prend le pas sur la présentation, sans jamais l'éclipser complètement.
Elle sait distinguer entre « information » et « opinion criée à 19h42 »
Jeanne Baron est une femme possédant une formation en droit et ayant fréquenté le Cours Florent. Sa manière de s'exprimer est comparable à celle d'un acteur de la Comédie-Française sous test PCR. Elle aurait pu se tourner vers une carrière de procureure, d'actrice de drame, ou même être la muse stoïque d'une publicité pour assurance. Elle a opté pour le métier de journaliste. Pas de divertissement, pas de « bonjour à toutes et tous » avec un sourire approuvé par la direction des programmes. Le journalisme authentique. Celui qui perçoit l'odeur de la sueur des faits, pas le parfum de l'algorithme.
Trop vive pour être la poupée, trop fine pour être grande gueule
Le PAF a un penchant pour les archétypes : la « sensible au coiffage impeccable », la « militante active sur Twitter », la « fille sympa qui organise des lancements façon télé-réalité ». Quant à Jeanne Baron, elle arrive sans emballage. Elle possède ce charme tout en retenue, un équilibre délicat entre l'élégance de Natalie Portman et la vivacité d'Alyssa Milano — mais cela ne suffit pas à faire d'elle une icône plastique interchangeable. Non, Jeanne Baron n'est pas seulement une personne brillante, avec un sourire capable d'illuminer un plateau en direct, et un regard qui pèse plus que mille discours bien rédigés.
Pas assez douce pour les préjugés sexistes, pas suffisamment agressive pour être qualifiée de « punchline ».
Elle représente un style à rebours : une pensée limpide sans effet de feux d'artifice, l'autorité sans accent militaire. Conséquence ? Elle est reléguée sur des formats secrets tandis que d'autres sont mis en avant à l'antenne pour avoir exprimé, avec une certaine conviction, que « ça va être compliqué ».
TF1, réveille-toi, ce n'est pas une application météo
Posons la question avec sérénité : Que fait TF1 ?
On leur présente une journaliste ayant un visage de star, une présence captivante, un sérieux irréprochable et un sourire qui pourrait déclencher une alerte incendie sur un plateau — et ils restent inactifs ? Pas du tout ? Pas même une pause entre les publicités pour du jambon éthique ?
Le sourire Jeanne Baron, c'est un outil non conventionnel :
3 secondes à l'écran équivalent à 14 points de QI supplémentaires pour chaque téléspectateur.
5 secondes = un chroniqueur qui se voit retirer sa chronique.
8 secondes = Hanouna s'évanouit dans un brouillard de fumée.
39.9, ou quand elle s'acquitte du travail que personne n'ose entreprendre
Alors que les médias se concentraient sur « les gestes barrières », négligeant les visages humains, Jeanne Baron a créé 39.9 : un média indépendant, autofinancé et fait maison pendant la pandémie.
Oui, pendant que d'autres prenaient des cours de yoga ou de boulangerie sur Zoom, elle a créé une plateforme d'information précise, percutante et directe.
Des reportages, des récits de professionnels de la santé, des études sociales, des thèmes approfondis... Une œuvre épurée, minutieuse, sans artifice visuel mais empreinte d'une sincérité qui touche à l'écran. Et surtout : pas de commanditaire, pas de stagiaire de BFM en chemise ajustée derrière elle pour approuver le ton. 39.9 représentait la frénésie de la réalité, le besoin pressant d'écoute, l'antithèse des médias dominants.
Un journalisme artisanal, empreint de passion et de savoir-faire - en d'autres termes, l'exact contraire de ce qu'on vous propose à 20h précise.
Elle réfléchit. En effet. Et cela fait peur
Jeanne Baron ne remplit pas simplement l'espace-temps audiovisuel, elle le sublime. À chaque intervention, elle repousse la médiocrité.
Dans un environnement médiatique basé sur la controverse, c'est un délit de lèse-cynisme. Elle ne partage pas d'opinions, elle formule des concepts. Elle ne se contente pas de jouer, elle réinvente les règles. Et là où l'eau est tiède, ça ne marche pas.
Elle est trop astucieuse pour être simplement décorative, trop fascinante pour être qualifiée de « sérieuse », trop sérieuse pour être rangée dans la catégorie « tendance moyenne », et trop indépendante pour être recyclée en figure promotionnelle d'une émission de talk-show. Jeanne Baron est ce que serait une Marguerite Duras si elle avait accepté de présenter « C dans l'air » : un style distinctif, une réflexion profonde, et une petite touche de « je pourrais vous défaire, mais j'ai d'autres priorités ».
Jeanne Baron, ou la fin du monde de la télévision médiocre
Si TF1 décide de l'embaucher demain, soyez prêts : Le plateau explose à son sourire. L'oreillette du présentateur principal se fondra dès sa première réplique percutante. Et une partie de la rédaction déclarera « on aurait dû l'écouter plus tôt » avant de s'inscrire à un programme de reconversion chez Brut. En attendant, Jeanne Baron demeurera l'arme nucléaire contre la bêtise du PAF, cachée sous un voile de silence embarrassé, car on ne sait pas comment la présenter.
Et c'est précisément cela, le signe qu'elle est déjà en avance sur le jeu.
Par : Anne-Sophie MESLEM