Endométriose : douleur chronique, reconnaissance sporadique

06/07/2025
« C'est dans ton esprit. »
« Il est normal de ressentir de la douleur. »
« Prends un paracétamol. »
« On verra après les enfants. » Bienvenue dans la gestion médicale de l'endométriose pendant des décennies : le déni sanctionné par prescription.
Une souffrance imperceptible, considérée comme un tabou, tellement « féminine » qu'on en vient à douter de soi-même plus que de la médecine.


Qu'est-ce que réellement l'endométriose ?

Une pathologie chronique, inflammatoire et parfois invalidante, affectant approximativement une femme sur dix.
Il ne s'agit pas simplement de « règles douloureuses ». Il s'agit d'un tsunami pelvien qui pénètre dans l'intestin, les ovaires, la vessie, et parfois même les poumons. Oui, en effet, les poumons. Tu désirais une existence paisible ? Ton utérus a opté pour la guerre asymétrique. Néanmoins…Il y a trois décennies, lorsque ta sœur aînée s'évanouissait dans la cour de l'école, dans le métro ou en plein air, nous étions dans l'ignorance de ce dont il s'agissait.

Elle souffrait de « règles douloureuses », c'est tout. Elle était un peu « fragile », « trop émotive », « ça devait être dans la tête ». 

On lui a suggéré une chaise, une infusion de verveine, et surtout : de ne pas trop en discuter. Pas d'IRM, pas de concertation, pas même un mot pour exprimer la situation.
Elle s'effondrait avec grâce. Et chacun reprenait sa journée.
Même aujourd'hui, l'établissement d'un diagnostic d'endométriose prend en moyenne entre 7 et 10 ans. Pour quelle raison ? Car la souffrance des femmes n'a jamais été considérée comme une priorité.


Analyse sociologique : que se passerait-il si ce étaient les hommes qui avaient leurs règles chaque mois ?

Pourquoi a-t-on laissé cette maladie dans l'ombre aussi longtemps ?

Parce qu'elle touche un organe intime, encore méconnu ou idéalisé : l'utérus.

Parce qu'elle est associée au féminin, donc parfois perçue à travers le prisme de l'émotion, avec le soupçon de l'exagération.

Parce qu'elle ne « tue pas », elle ne fait « que » souffrir — et cela semble suffisant pour la reléguer au second plan.

Imaginez un instant qu'une maladie chronique aussi douloureuse touche un organe masculin comme la prostate. Elle ferait sans doute l'objet de campagnes nationales, de débats publics, de protocoles de prise en charge accélérés et d'un remboursement sans condition.

Mais dans le cas de l'endométriose ? Le silence persiste.

Cette maladie révèle un angle mort de notre système de santé et de notre société : une tendance à minimiser la douleur lorsqu'elle touche les femmes, à la rendre invisible, presque suspecte. Ce n'est pas une opposition entre genres, mais un rappel nécessaire que toutes les douleurs chroniques, quel que soit le corps concerné, méritent la même écoute, la même recherche, la même reconnaissance.


La dimension personnelle : être jeune et déjà en conflit avec son corps

Tu désirais vivre intensément, éprouver, aimer, peut-être courir, danser, faire l'amour sans avoir à y réfléchir. Toutefois, à la place, tu avales de l'ibuprofène en cachette, tu affiches un sourire au bureau comme si rien ne se passait, et tu identifie discrètement les toilettes dès que tu arrives quelque part — au cas où. Quand tu exprimes « j'ai mal », on te rétorque fréquemment : « ah oui, moi aussi, j'ai mes menstruations ». Mais ce n'est pas seulement ça. Il ne s'agit pas d'une gêne temporaire, ni d'un simple désagrément mensuel. C'est une souffrance persistante, intense, qui peut resurgir comme un coup de poignard sourd pendant plusieurs jours consécutifs. Une souffrance qui épuise, qui occupe une place importante dans la vie de tous les jours, sans que l'on puisse constamment l'exprimer ou la manifester.


Lorsque l'entreprise commence (enfin) à évoluer : vacances, soins et reconnaissance

Heureusement, les progrès sont en cours, bien que ce soit à un rythme comparable à celui d'une tortue sous anti-inflammatoires. En France, quelques entreprises avant-gardistes ont commencé à proposer un congé spécifique de trois jours chaque mois pour les femmes touchées par l'endométriose. Effectivement, trois jours pour se reposer, recevoir des soins, retrouver l'équilibre — parce que gérer cette douleur persistante au travail n'est pas une mince affaire. Des centres multidisciplinaires de prise en charge sont également mis en place par des organismes publics et privés, où des gynécologues, nutritionnistes, psychologues et kinésithérapeutes collaborent pour atténuer la maladie et soutenir la patiente dans son ensemble.

De plus, certaines zones ou établissements médicaux offrent des initiatives avant-gardistes alliant la médecine traditionnelle et les médecines alternatives : acupuncture, sophrologie, yoga thérapeutique, ostéopathie… Ces méthodes ne soignent pas la maladie en soi, mais contribuent à mieux cohabiter avec elle. À l'étranger, notamment au Japon ou en Scandinavie, la prise de conscience de l'endométriose est plus développée. On y observe des politiques de santé publique intégrant des congés menstruels et une éducation renforcée dès le plus jeune âge. En France, l'effort persiste pour que ce congé maladie particulier se transforme en un droit universel, afin d'éviter que les soins ne deviennent une épreuve difficile à surmonter. Car donner de l'attention à la douleur n'est pas un privilège, c'est une exigence essentielle.


Repenser le soin


Elles brisent le silence

Certaines femmes, connues du grand public, ont choisi de parler, d'écrire, d'expliquer – parfois au prix de leur intimité – pour que l'endométriose sorte enfin de l'ombre.

Laëtitia Milot

Actrice et autrice, elle vit avec la maladie et milite depuis plus de dix ans pour une meilleure prise en charge. En publiant « Le bébé, c'est pour quand ? », elle a contribué à libérer la parole autour du désir d'enfant et de la souffrance invisible.

Anna Roy

Sage-femme et chroniqueuse, elle dénonce régulièrement la minimisation des douleurs gynécologiques dans les médias et les institutions. Son engagement pédagogique rend la maladie plus compréhensible, accessible et légitime.

Des associations engagées

EndoFrance
Créée en 2001, elle soutient les patientes, informe les soignants et agit dans les politiques publiques.
 endofrance.org

 EndoMind

Active sur les réseaux et dans les médias, elle mène des campagnes comme #JeSoutiensSonEndo et collabore avec artistes et institutions.
 endomind.org

 World Endometriosis Society (WES)

Organisation internationale dédiée à la recherche et à la formation autour de l'endométriose.
 endometriosis.ca


Bien que le chemin soit encore long, des transformations se profilent.
Les femmes souffrant d'endométriose font désormais entendre leur voix : elles ne cachent plus leurs souffrances. Graduellement, la société commence à prendre conscience de leurs luttes.
Elles convertissent leur douleur en puissance collective, avec courage et détermination, éclairant la voie vers un futur où la souffrance ne sera plus méprisée ni cachée.
Le corps peut se plaindre, mais l'esprit persévère.
La lutte est difficile, mais elle est équitable.
Et principalement, il véhicule de l'espoir.


Par : Anne-Sophie MESLEM


Les images et ce site sont la propriété de l'auteur.
Optimisé par Webnode
Créez votre site web gratuitement !