Cheveux bouclés, ondulés, crépus : retour en force ou comment la honte est devenue glamour
10/06/2025
Pendant de nombreuses années, on a essayé de les uniformiser, de les transformer en baguettes bien obéissantes. Actuellement, ils sont célébrés sur les scènes, dans les vidéos musicales et les publicités de shampooings : les cheveux bouclés, crépus, ondulés.
Si les boucles font leur retour, à qui doit-on notre gratitude ? Le secteur industriel ? Le marketing ? Ou bien ceux qui ont supporté la honte afin que les autres puissent bénéficier du glamour ?
Des cheveux jugés, domptés, humiliés dès l'enfance
À 11-12 ans, dans un salon de coiffure bien propre du centre-ville, on me dit :
"Ah là là, va falloir faire quelque chose avec ça !"
"Ça", c'est ma tignasse. Dense, souple, ni lisse ni franchement structurée. Inclassable, donc suspecte.
On m'a demandé si je m'étais lavée les cheveux, on a ri devant la masse, on a dégainé le fer à lisser comme un extincteur sur une fille en feu.
Je ne suis pas seule.
"Je me souviens encore du regard paniqué de la coiffeuse. Elle a appelé une collègue pour 'gérer le problème'. J'avais 10 ans. Mon seul problème, c'était d'avoir des boucles." - Maya 38 ans
"Mon ex m'a dit qu'il ne comprenait pas pourquoi je ne faisais pas un brushing pour 'ressembler à une fille normale'.
Il a glissé sur mon après-shampoing sans rinçage quelques jours plus tard.
Je ne l'ai pas aidé à se relever." - Sabine 26 ans
Et oui, ça touche aussi les hommes. Eux aussi passent à la tondeuse parce qu'aucune alternative ne leur est proposée, parce que les boucles, "ça fait sale", "pas net", "pas pro".
Le mythe de la femme sauvage
Dans les imaginaires, cheveux longs, bouclés, crépus ou indisciplinés, ce sont :
- – les sorcières
- – les folles
- – les femmes libres ou dangereuses
- – les femmes "de là-bas", donc "autres"
- – les exotiques, les fatales, les hystériques
C'est la sensualité qui déborde, la pensée qui ne rentre pas dans la boîte.
- Quand on ne peut pas lisser une femme, on la marginalise.
Des formations de coiffure toujours excluantes
Aimerais-tu devenir coiffeur/coiffeuse ? En France, le CAP coiffure ne te contraindra pas à maîtriser la coiffure pour tous les types de cheveux.
Effectivement, tu as bien compris : les cheveux bouclés, frisés et crépus sont inclus en tant qu'option.
Cela signifie qu'en 2025, tu pourrais encore obtenir ton CAP coiffure sans maîtriser plus d'un type de cheveu. C'est légal, enseigné, validé.
Et ensuite, on se demande pourquoi les salons ne peuvent pas « gérer »...
Et ailleurs ? Quand les pays anglo-saxons montrent la voie
La CROWN Act a été mise en place dans divers États des États-Unis. Elle proscrit la discrimination liée aux coiffures à l'école et au travail, défendant les enfants et les adultes ayant des cheveux naturels.
Le but : interdire le rejet d'une personne en raison de ses cheveux « pas conformes ». Et pour ce qui est de la France ?
Olivier Serva, ministre et représentant de la Guadeloupe, a présenté en 2023 un projet de loi destiné à prohiber les discriminations basées sur l'apparence des cheveux.
Elle s'inspire de la loi CROWN et a pour objectif d'établir légalement la reconnaissance des commentaires, exclusions ou directives concernant l'apparence capillaire.Un progrès considérable sur le papier…
Tant que le CAP coiffure continuera à éduquer des professionnels incompétents pour plus de la moitié de la population française, rien ne changera réellement.
Et néanmoins… elles ont tracé le chemin.
On n'oublie pas les marques telles que Les Secrets de Loly, qui ont été pionnières en affirmant « tes boucles sont parfaites ».
Ou Bounce Curl, pour avoir offert des produits avec des ingrédients propres et des emballages où l'on ne voit pas seulement des cheveux parfaitement lisses.
Et qui se rappelle du moment où ta mère t'a appliqué un masque fait maison à base de coco, miel et huile d'olive alors que tu pleurais sur tes maths ?
Nous avons toutes perçu l'odeur de la noix de coco... mais rarement celle de l'amour propre.
La boucle est bouclée
On les apprécie lorsqu'elles sont « maîtrisées », « esthétiques », « marketées ».
On les aime beaucoup sur les modèles. On les apprécie tant qu'elles confirment encore des normes eurocentriques. Cependant, pour que nous cessions de rire, de juger et de faire des remarques aux enfants dès qu'ils prennent du volume : il faudra plus que des publicités Garnier.