Caramel : Pourquoi ce film libanais sublime-t-il la complexité des femmes avec une douceur qui pique ?
10/06/2025
Un film qui date d'un autre siècle ? Peut-être. Mais il fait toujours danser la vérité crue et parfumée du Liban.
Le caramel, ce doux poison qui colle à la peau
Le film Caramel de Nadine Labaki, qui a vu le jour en 2007, ressemble à ce sirop sucré qui s'attache aux doigts : sucré, mais persistant.
Un tableau ardent et sucré-amer des femmes de Beyrouth, vibrant de contradictions. Ici, pas de scintillement à la Hollywood, mais une réalité dure qui dégage l'odeur de la sueur, de la fleur d'oranger et du henné sur les mains.
Ce n'est pas un récit de fées : c'est la réalité, avec toute sa beauté imparfaite.
Nadine Labaki, la magicienne à l'oeil qui ne tremble jamais
On parle d'une femme qui filme d'autres femmes avec une tendresse brute, un regard qui ne fuit pas, qui capture les silences lourds, les rires forcés, les douleurs cachées sous le vernis. Son cinéma, c'est du langage cru mais vrai, sans fard, qui fait mouche. Son visage ? Une géographie du Liban : beauté lumineuse, douce comme un matin d'été, mais aussi marquée par la guerre, les espoirs fêlés et la résilience. Dans Caramel, elle est la narratrice et l'actrice, incarnant cette tendresse rugueuse qui fait toute la force du film.
Complexité féminine libanaise : entre tradition, modernité et éclats de rébellion
Le long-métrage met en lumière le quotidien de femmes dans un institut de beauté à Beyrouth, où se mêlent discussions sur les poils pubiens et aspirations réprimées, histoires d'amours inaccessibles et unions arrangées.
Il s'agit d'un assemblage de réalités qui défient les stéréotypes : la femme libanaise ne se résume pas à une image de voiles ou de danse orientale, mais représente un individu aux multiples dimensions. Et puis, je ne peux m'empêcher de rire chaque fois qu'une cliente arrive au salon avec l'idée « je veux avoir l'air d'une fille qui a vingt ans de moins que moi » — les échanges animés en arabe qui s'ensuivent, c'est mieux que tous les spectacles du monde. Il s'agit de la poésie brute et pleine de vie du quotidien libanais, où chaque petit conflit capillaire ressemble à un drame miniature digne des tragédies grecques.
Entre les scènes de discussions enflammées, les regards échangés, et les silences lourds, Caramel peint la complexité d'une société tiraillée entre les traditions séculaires et les vents de liberté qui soufflent sur le Moyen-Orient.
La fleur d'oranger et le sarcasme : un mélange qui décoiffe
L'humour dans Caramel est à la fois tendre et acide, comme un bon thé noir relevé d'une touche de citron. Les dialogues claquent, les situations dérapent, et on rit souvent pour ne pas pleurer. C'est un peu comme si la fleur d'oranger, douce et apaisante, se prenait un coup de pied dans les côtes par la satire sociale. Le film ne ménage personne, et surtout pas lui-même : c'est un autoportrait du Liban, avec ses beautés et ses blessures.
Pourquoi on y revient, encore et encore
Caramel n'est pas un film qui traite de la mode ou d'une époque passée. C'est un segment de l'existence qui transcende le temps, car les interrogations qu'il soulève demeurent d'actualité : que signifie être une femme dans un monde qui n'accorde rien sans contrepartie ? Comment équilibrer ses aspirations personnelles, son indépendance et les exigences d'une société qui semble régulièrement perdue ? Nadine Labaki répond simplement : avec un sourire parfois aigre-doux, une grande affection et un bonbon qui adhère — car c'est la réalité, même lorsqu'il est brûlé.
Dernières douceurs
Caramel est un film qui fait mal, qui fait du bien, qui fait réfléchir et rire. Une ode à la femme libanaise, à sa force et à sa fragilité, un miroir tendu à toute femme qui ne veut pas choisir entre douceur et rage, tradition et émancipation. Alors oui, le film date un peu. Mais son parfum, lui, est intemporel. Comme un bon thé à la fleur d'oranger, qui réchauffe l'âme, secoue les idées reçues, et laisse un goût doux-amer dont on ne se lasse pas.